EnvironnementLe confinement imposé par le coronavirus fait chuter la pollution chez le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Quelques jours de confinement ont suffi pour les laisser gambader. Les animaux ont fait leur retour dans les villes indiennes et sont devenus des stars sur les réseaux sociaux. Un éléphant a été filmé en train de se promener à Haridwar, dans le nord, fin mars. À Noida, dans la banlieue de Delhi, un automobiliste a immortalisé la marche d'une antilope le long d'une avenue. À Chandigarh, deux cerfs ont été aperçus en train de traverser un passage piéton. La même scène a été capturée à Kozhikode où une civette, un petit félin, a emprunté le passage clouté.
Les agglomérations sont le théâtre régulier d'incursions animales en Inde: léopards, aigles, paons... Mais la fréquence de ces visites semble s'être accélérée depuis que les autorités ont pris des mesures de confinement, mi-mars. Le premier ministre Modi a imposé à ses concitoyens de rester chez eux jusqu'au 14 avril. Le bruit de la jungle urbaine a cessé brutalement. Ce silence, ces espaces ont laissé le champ libre à la faune. Leo Saldanha, coadministrateur de l'Environment Support Group, une ONG écologiste basée à Bangalore, aperçoit de plus en plus de cigognes. «On voit des espèces d'oiseaux qu'il était difficile de repérer avant parce que la pollution sonore a stoppé.»
Leo Saldanha a remarqué autre chose en sortant de chez lui. C'était le 2 avril. La Vrishabhavathi, la rivière qui traverse la ville, est plus propre. «La mauvaise odeur qui émanait de l'eau a disparu depuis que les effluents industriels ont cessé», note-t-il. Plus au nord, des habitants de Bénarès dont la demeure borde le Gange font le même constat. «Toutes les usines en amont sont à l'arrêt, les hôtels sont vides et nous n'avons plus de touristes. Pour le coup, le fleuve, qui avait une teinte brunâtre, se rapproche aujourd'hui du bleu, et c'est la première fois que j'observe ça en vingt ans», s'étonne Lenin Raghuvanshi. Ce natif de Bénarès affirme qu'il peut voir sa main quand il la plonge dans le fleuve. Le Bureau fédéral de contrôle de la pollution (CPCB) a confirmé ces observations: les mesures enregistrées dans 27 des 36 stations de surveillance et publiées par l'agence Press Trust of India, indiquent que le Gange est devenu baignable par endroits. Il y a d'autres exemples dans l’État du Karnataka, au sud. «Mes voisins se baignent désormais dans la rivière», témoigne Vivek Cariappa, un agriculteur du district de Mysore qui vit près d'un affluent du Kaveri. Lui aussi a remarqué que l'odeur pestilentielle du cours d'eau avait disparu en une semaine.
«Nous vivons une expérience qui démontre la faillite de la réglementation. Les autorités ont été incapables de forcer les industriels à maîtriser leurs rejets. Il a fallu un confinement national pour régler le problème», s'agace Leo Saldanha. D'autres experts insistent sur la nécessité de faire davantage. «La dégradation des grands fleuves n'est pas que le fruit des rejets industriels. Le Gange est sale à cause des matières fécales évacuées par les riverains. Comme les gens sont confinés chez eux, on peut craindre que ces rejets augmentent», pointe Suresh Rohilla, directeur du département de l'eau au Centre for Science and Environment, un institut de recherche de Delhi (CSE).
L'amélioration de la qualité de l'air a été encore plus spectaculaire. L'année dernière, au 31 mars, 73 des 88 villes surveillées par le CPCB affichaient un indice supérieur à 100, synonyme de dangerosité pour les personnes fragiles. Douze mois plus tard, jour pour jour, seules seize dépassent cette limite.
Gurgaon, dans la banlieue de Delhi, a reçu de Greenpeace la palme de la cité la plus polluée du monde il y a un an. À l'automne 2019, la concentration de particules fines était si dramatique que l'air sentait le gaz lacrymogène. Quelques jours de confinement plus tard, le ciel affiche l'éclat du bleu des bords de mer. «Les usines sont fermées, les voitures ne circulent plus, les travaux dans le bâtiment sont suspendus, les gens ne sortent plus brûler leurs déchets», détaille Anumita Roy, spécialiste de la pollution de l'air au CSE. Pour cette scientifique, la baisse de la pollution doit pousser les pouvoirs publics à tirer des enseignements: «Nous avons exploité au maximum les moyens de communication, redéfini notre lieu de travail, réduit nos déplacements... Les États devront réfléchir à appliquer certaines de ces habitudes de façon systématique. Sinon le confinement n'aura servi à rien et tout redeviendra comme avant.»
Créé: 10.04.2020, 10h23
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